Basée à Talence, la startup Quiet fabrique de la vaisselle “silencieuse”, conçue pour améliorer le quotidien des agents en restauration collective. Fruit de cinq années de recherche, développement et expérimentation, elle pourrait être produite dans une usine de Nouvelle-Aquitaine dès 2025.
Augmenter le confort auditif en restauration collective
Qui n’a jamais été agacé par le bruit de la vaisselle qui s’entrechoque dans une cantine d’école, d’université, d’Ehpad ou d’entreprise ? Pour les agents travaillant dans la restauration collective, ce bruit quasi continu est beaucoup plus problématique. Ceux qui s’occupent de la plonge sont ainsi exposés à de hautes fréquences sonores qui peuvent entraîner une perte d’ouïe. Pour répondre à ce problème, Sophie Moritel, une ingénieure en mécanique, a eu une idée : fabriquer de la vaisselle silencieuse. Elle s’est lancée pleinement dans l’aventure avec deux associés, et a effectué cinq années de recherche avec l’INSA (Institut national des sciences appliquées) et le CNRS (Centre national de la recherche scientifique). Une fois la technologie développée, elle s’est tournée vers l’incubateur Unitec pour structurer sa société, baptisée Quiet, et rechercher des financements. Depuis sa création, l’entreprise a pu bénéficier d’une subvention de la Région Nouvelle-Aquitaine et de la bourse French Tech Émergence de Bpifrance. Elle a aussi bouclé une levée de fonds de 300 000 euros fin janvier 2024. Des financements qui lui ont permis de tester la faisabilité industrielle de ses produits.
Une vaisselle bimatière silencieuse, antidérapante et solide
La vaisselle de Quiet ressemble, au niveau esthétique, à de la vaisselle de cantine classique. Mais elle est fabriquée en verre trempé sous lequel se trouve de l’élastomère, matière élastique d’origine minérale, choisie avec autant d’exigence que pour fabriquer les tétines de biberons. Ce double matériau réduit le bruit de 85 % au moment de l’entrechoquement, de 96 % à la plonge et de 35 % dans le réfectoire. Mais ce n’est pas tout : les assiettes conçues avec cette technologie sont plus solides que les assiettes traditionnelles, ne génèrent pas de brisure à la casse, ont deux fois moins de conduction thermique et sont antidérapantes. “Notre mission est d’apporter un véritable confort de travail dans les cantines scolaires, les hôpitaux et les Ehpad. […] Pour l’instant nos produits s’adressent aux restaurations collectives, mais il n’est pas impossible qu’un jour on s’adresse aux particuliers ou à un autre marché. Nous avons protégé par brevet le procédé de fabrication et notre production est 100 % française”, a expliqué la créatrice de la marque à Classe Export.
Des expérimentations en cours en Nouvelle-Aquitaine
Les assiettes Quiet se sont démarquées en janvier dernier au CES (Consumer Electronics Show) de Las Vegas. Elles ont aussi permis à la jeune pousse de remporter un Décibel d’Or, remis par le Conseil national du bruit, dans la catégorie santé, environnement et travail pour son matériel innovant. Elles sont par ailleurs expérimentées dans plusieurs structures, notamment des cantines d’écoles à Talence, un Ehpad de Bordeaux et un foyer de la gendarmerie à Mont-de-Marsan. Les assiettes sont actuellement disponibles en précommande à 6 euros l’unité, avec une livraison à compter d’août 2024. Quiet propose aussi 100 assiettes (petites et grandes) et coupelles pour 1300 euros, avec possibilité de réaliser une étude sur l’environnement sonore pendant 21 jours, pour mesurer le gain apporté par ses produits. La startup multiplie pour le moment les prises de contact avec des collectivités locales et des acteurs privés, “principalement dans la santé et l’éducation”, pour se faire connaître et augmenter son nombre de commandes.
Quiet veut ouvrir sa propre usine en 2025
100 % française, la production de la vaisselle Quiet a été externalisée pour les préséries. Mais l’entreprise a pour ambition d’ouvrir sa propre usine en Nouvelle-Aquitaine dès 2025. “Internaliser nos outils et notre activité va nous permettre d’acquérir une certaine rentabilité que nous visons d’ici la fin de l’année 2025”, a assuré Sophie Moritel auprès des Échos Judiciaires. Cette future phase d’industrialisation va amener la société à embaucher une équipe de production, des administrateurs de vente et des commerciaux, qui s’ajouteront aux dix collaborateurs que compte Quiet à l’heure actuelle.
La jeune pousse a aussi d’autres objectifs : créer une quatrième pièce dans sa gamme de produits et travailler au recyclage de sa vaisselle. Aujourd’hui, les filières de recyclage n’existent ni pour le verre trempé, ni pour l’élastomère, alors que ces matières sont valorisables. Les équipes de Quiet réfléchissent donc à des solutions pour gérer le cycle de vie de leurs assiettes, comme l’installation de bacs chez les clients pour récupérer les pièces cassées.
Une deuxième levée de fonds dans le viseur
Pour mener à bien ces ambitions, Quiet cherche à récolter trois millions d’euros d’ici la fin d’année 2024, en dilutif et non-dilutif, lors d’une deuxième levée de fonds. En 2023, la startup a réalisé un chiffre d’affaires de 10 000 euros, qui n’est “pas représentatif” de son activité, selon sa cofondatrice. “Nous avons dû ralentir notre production en fin d’année et certains bons de commande n’ont pas pu être livrés à temps. Nous avions un carnet de commandes de 40 000 euros en réalité”, a-t-elle expliqué. Pour 2024, elle vise les 150 000 euros. Elle envisage une forte croissance à partir de 2025, année d’ouverture de son usine, avec un chiffre d’affaires espéré de 3 millions d’euros. Quiet attend une commercialisation à grande échelle de sa vaisselle silencieuse courant 2026, en France mais aussi à l’international.