Créée en novembre 2021 et issue de l’université de Rouen Normandie, la startup Alga Biologics met au point un traitement à base de microalgues qui permet de lutter contre certains cancers. Son travail se concentre pour le moment sur le neuroblastome, un cancer pédiatrique rare.
Une microalgue capable de sécréter des anticorps
Professeure de biochimie à l'université de Rouen Normandie et passionnée par la glycobiologie, Muriel Bardor s’intéresse aux microalgues depuis plus de dix ans. Avec l’équipe académique du laboratoire GlycoMEV, elle a cru au potentiel de la Phaeodactylum tricornutum pour soigner les maladies infectieuses, les maladies auto-immunes ou encore les cancers. Leurs travaux ont permis de démontrer que cette microalgue, déjà utilisée en cosmétique et dans l’agroalimentaire, pouvait produire et sécréter des anticorps analogues à ceux synthétisés par les cellules humaines. Une découverte brevetée par le laboratoire qui pourrait avoir une utilité médicale, pour lutter contre le VIH, l’hépatite B ou le cancer du sein.
Une technique 70 % plus économique que l’utilisation de cellules de mammifères
En 2021, Muriel Bardor a créé l’entreprise Alga Biologics pour valoriser le savoir-faire et les résultats de ces travaux. L'objectif de la startup consiste à développer industriellement une plateforme de bioproduction d’anticorps en utilisant des microalgues comme usine cellulaire, à la place des cellules de mammifères conventionnellement usitées. Le procédé a un avantage de taille : il coûte 70 % moins cher que l’existant. “Les anticorps classiques issus de cellules de mammifères coûtent cher à produire : ils nécessitent plus de 200 ingrédients différents dans le milieu de culture, contre 20 pour les algues. Celles-ci ne présentent aucun risque de contamination virale, ce qui élimine les étapes de purification et allège les contrôles de qualité. Elles constituent en outre une production décarbonée, et même assimilatrice de CO2”, a indiqué Muriel Bardor au Journal des Entreprises.
Une solution pour lutter contre le neuroblastome ?
Pour le moment, Alga Biologics concentre son travail sur le neuroblastome, une maladie pour laquelle la concurrence industrielle est moins rude que pour l’hépatite B et le VIH. Ce cancer pédiatrique rare touche chaque année 24 000 enfants dans le monde, dont la moitié meurt avant cinq ans. Le traitement américain actuellement utilisé coûte un million de dollars tandis que sa version européenne coûte 400 000 euros, pour des résultats peu concluants. Alga Biologics espère que ses anticorps pourront apporter une nouvelle solution thérapeutique à cette maladie. Des tests précliniques sont en cours en laboratoire pour mesurer l’efficacité des anticorps produits par les microalgues sur des cellules. D’autres tests vont ensuite être effectués sur de petits animaux avant de pouvoir monter un dossier qui ouvrira la voie à des essais cliniques sur l’homme.
Un travail de longue haleine qui nécessite d’obtenir des fonds. Accompagnée par Normandie Incubation et Normandie Valorisation, Alga Biologics a reçu des soutiens financiers de France 2030 et Bpifrance. Trois millions d’euros ont aussi été levés début 2024, pour payer les huit salariés de l’entreprise et acheter un bioréacteur pour la culture des microalgues. “À partir de septembre, nous travaillerons à une nouvelle levée de fonds pour le printemps 2025”, a précisé Muriel Bardor, ajoutant que ce tour de table permettra de terminer les tests précliniques.
Une découverte récompensée à plusieurs reprises
Depuis sa création, Alga Biologics a été lauréate de différents concours. La découverte de la jeune pousse a notamment reçu le prix Startup-UP Normandie4 Good et le prix spécial Indosuez, qui reconnaissent l’impact sociétal et environnemental du projet. Par ailleurs, l’entreprise a intégré la Cosmetic Valley, un pôle de compétitivité basé à Chartres, spécialisé dans la filière des parfums et des cosmétiques. “Nous allons valoriser notre plateforme afin de produire à façon d’autres protéines d’intérêt pour le compte de groupes pharmaceutiques ou cosmétiques. Ceux-ci sont sensibles à changer leur manière de produire, sans intrant animal”, a expliqué Muriel Bardor. La dirigeante espère décrocher un premier contrat de ce type d’ici la fin de l’année. Les financements récoltés lui permettront de travailler plus sereinement sur une application médicale de sa découverte.